vendredi 19 mars 2010

Les entans prêcheurs

C'est l'histoire d'un prêcheur. Un prêcheur de la bonne parole, la parole de l'amour...
Pour son plus grand désespoir, il se rendis compte qu'il n'y avait plus rien à prêcher depuis longtemps... puisqu'il n'y avait plus d'amour depuis longtemps.

c'est l'histoire qui va suivre, et sa suite... et peut-être sa fin si l'amour ne revient pas.


Au début, il fut perdu par la tâche qui lui incombait.

Il y a longtemps déjà que son périple a commencé, mais en ces temps et en ces lieux, le temps lui même n'a plus d'importance – en supposant qu'il en ait eu un jour.

Il avait donc vu plusieurs contrées nouvelles ou anciennes, plusieurs peuples très différents ou plusieurs sortes d'habitants qui vivaient tous, pourtant, dans le même monde. Tous si différents. Si différents... comme les lieux qu'ils occupaient.

Il était dans ce monde, où le prêcheur devait accomplir sa tâche, une diversité et une singularité qu'il n'était pas ailleurs. Et le prêcheur n'en fut que plus désemparé.

Dans les premiers temps de son arrivée il fut conquis par le calme de ces lieux. En tout endroit, en toute chose il semblait qu'une sagesse sombre avait aboutie après une longue, très longue réflexion. Il y avait là-bas une sérénité quelque peu malsaine qui 'était était reposant. Comme si elle servait à cacher quelque chose... une tristesse si grande qu'elle ne peut plus être exprimée par les hommes, peut-être.

En un temps de grande marche vers il ne voyait où, il fut surpris de croiser l'Envie, la Tentation, qui avait pris soin, sans s'en cacher, de prendre forme humaine pour la circonstance. Une adorable petite fille dont le regard traillissait l'expérience.

"- Bonjour petite fille. Que fais-tu là, toute seule?

- Je n'ai personne pour jouer avec moi."

Des larmes s'échappaient de sa voie.

"- Pourquoi, qui es-tu?

- Quelqu'un de très seul. Ici, je ne peux pas agir, car, après tout, je n'existe que parce qu'on m'a inventé.

- Et on pas besoin de toi, ici?

- Non. Pourtant... le monde n'en serait que plus distrayant. Trouvez-vous réponse dans votre quête?

- Non, mais je n'ai croisé que peu de monde. Il me reste encore de l'espoir...

Son visage s'assombrissait :

- ... l'espoir est tous ce qui reste aux jeunes sots qui n'ont plus rien."


"- Sachez, monsieur, que d'ici la fin de cette route, il ne vous restera que le plaisir – que dis-je, l'espoir de me retrouver, lorsque vous n'aurez définitivement plus rien, pour que je vous donne quelque chose à mettre dans votre tête...

- N'en fais pas une parole petite fille, les sots ne se rendent jamais compte du malheur qui les gagne...

- Vous en êtes la preuve mon pauvre ami... vous vous apprêtez à devenir orphelin de tout songe susceptible, ici, de vous faire progresser.

- Il y a toujours à faire. Partout... Moi, j'apporte le bonheur et je l'invente grâce à rien. Grâce à moi-même..."

Le jeune fille s'évapora dans le noire profond qu'était devenu ses yeux.

" Petite fille?!..." Et au loin:

" ... Vous vous perdrez tellement vous-même que vous accourrez à moi pour que je vous dise qui vous êtes...

- Pourquoi vous?!...

- Parce que je suis la seule personne qui sache encore ce qu'elle est ici-bas..."


Pauvre... l'homme se tût là. Il n'avait plus de mot. Pauvre était le dernier qui lui restait, là, maintenant. Pauvre... ce monde est tant chaviré qu'il semble que l'Envie en soit la reine. Faut-il que plus personne ne représente rien pour que le visage d'une enfant soit la personnification de pareilles calomnies? Moi qui espérais trouver un visage semblable pour représenter ma première victoire... (il regarde au loin) Même les arbres n'ont plus de feuilles...


Il continua son chemin et ne tarda pas à gêner le regard d'un jeune penseur, assis sur le bord du chemin.

"- À quoi penses-tu, jeune garçon?

- Je penses que ce monde est bien triste...

- Pourquoi?

- J'ai vu un arbre qui semblait avoir perdu une branche. J'ai proposé de la lui remettre mais il m'a dis que c'était fait et que s'était trop tard, qu'il ne fallait pas aller contre les éléments pour ne pas créer d'erreurs. C'est bien triste...

- Tu veux que je te parle de l'Amour et de la joie de vivre? C'est ma quête...

- Non.

- Non?... Pourquoi?

- parce que ta quête ne correspond pas à une loi universelle. Elle n'a pas une place définie dans la chaîne des lois primordiales, ou encore dans le grand livre des cent-milles lois, quelque part. Elle sera donc source de malheur...

- Mais c'est important quand-même!...

- Pas autant que de ne pas remettre une branche cassée à l'arbre qui ne la désire plus.

- Mais tu réparerais l'arbre...

- ... Mais à quel prix?..."

L'enfant se leva et se mit à courir dans le champs qui bordait un côté du chemin, faussement joyeux.

Un nuage passa par là, l'enfant monta dessus et disparu avec lui dans les airs.

L'homme commençait à penser qu'il ne connaissait rien à la vie, puis il se dit que si, mais que ce monde était très différent... puis, il se dit que, peut-être, l'amour ne sert à rien ici. Que c'est peine perdue tant que l'on ne comprend pas le monde qui nous entoure. Il se dit également que, de toute façon, l'amour n'aurait pas sa place et ne servirait pas. Il se dit qu'il était ici dans le seul monde de sa connaissance où l'amour n'est rien, et ne servirait à rien, quand bien même il y en aurai à perte de vue. Il se dit qu'il vaudrait mieux une éponge pour ôter les mauvais souvenirs de ces enfants dont l'expérience leur a trop appris, et trop vite, il semble. Une éponge capable d'absorber toute cette expérience, aussi profitable qu'elle pourrait être pour l'avenir. Puis il pensa que de toute façon, il semble qu'ici il n'y avait pas d'avenir.


Un long, un très long présent.


L'homme, devenu la ressource d'un grand doute, continua son chemin. Il commençait à baisser la tête.


Plus loin, alors que derrière lui il n'y avait plus trace de son passage et de ses interlocuteurs, il vit un morceau de papier qui menaçait d'être emporter par un léger vent. Il disait ceci:

"Regarde..."

Il leva les yeux et vit une pancarte sur le bord du chemin. Il y était écrit "Presque-fin".

Il relit ces mots dans sa tête. Il se les dit. "Presque-fin". Il pensa tout haut:

" C'est la "presque-fin", mais pas la fin..."

Une voie s'éleva derrière lui.

"Pourquoi t'obstiner, monsieur?"

Le prêcheur se retourna et vit un petit garçon qui lui était inconnu:

"- Qui es-tu?...

- Un petit garçon, et je te demande pourquoi tu t'obstines, monsieur? Ici, ça ne sert à rien...

- Ça ne sert à rien parce que personne n'a essayé...

- Tu prêche quoi?...

- L'amour. Mais comment sais-tu...?

- Moi, quand j'avais ton age, j'ai prêché la joie... tu as vu un enfant tout à l'heur. Il prêchait le pouvoir de penser, avant... Nous avons tous été comme toi, à croire que l'on pouvait répandre une parole qui, ici, hélas, n'a pas de sens. Ne te tue pas à cette tâche, c'est un conseil. Elle sera vaine... de toute façon.

- Tu veux dire que avant, tu étais un adulte, comme moi?...

- Oui, un adulte, c'est exactement ça, oui. Un adulte.

- Comment...?

- ...J'étais un adulte en dehors, mais un enfant à l'intérieur, comme toi, parce que, dans le fond, comme toi aujourd'hui, nous ignorions tout du monde d'ici. Alors comme toi dans quelques pas, nous avons demandé à l'Envie – la seule personne à être sensée ici – ce qui se passait. Nous lui avons tous demandé, un jour ou l'autre, de nous expliquer...

- et?...

- ... et, à moi, elle m'a dit que je ne comprenais pas parce que je m'étais tué à une tâche sans en comprendre le sens. La cause et la conséquence. Elle nous a tous dit de nous ouvrire à ce monde et que, ainsi, nous pourrions voir qu'il n'a pas besoin de nous ou que, au mieux, nous pourrions le changer de l'intérieur.

Je lui ai demandé de m'apprendre ce monde, de me l'expliquer... elle m'a dit que c'était là le travail de tout une vie, et que maintenant j'étais trop vieux.

- C'est pour ça...

- Je lui ai donc demandé de me faire devenir enfant, comme eux, comme les autres, afin de recommencer mon apprentissage ici, pour, cette fois, devenir un adulte dans la tête...

- Devenir adulte voudrait-il dire ne plus avoir d'espoir?

- C'est un bon début. Bien maigre, mais un début. Ici, l'espoir ne sert à rien. Ce monde est comme ça parce que tu le vois ainsi. Tu dois le voir à l'intérieur de toi, c'est toutes les âmes qui sont ici qui fonds se monde parce qu'elles le voient par leurs yeux. Toi, tu vois ce monde par les yeux du monde d'où tu viens. Ce monde n'est pas pareil. Il ne l'est pas...

- Mais c'est vous qui faites ce monde, pourquoi ne pas le changer, maintenant?

- Tu sais, on a appris à le connaître. Il est pure et nous, nous sommes des enfants... Nous avons commencé notre apprentissage de ce monde, et aller contre la continuité le renverserait. Nous l'avons compris, maintenant...

- Ça n'est pas ce vous vouliez?... le renverser...

- Voudrais-tu changer ton monde pour celui-ci? Nous, maintenant, sommes des enfants d'ici... et à le comprendre, nous ne voulons plus le changer. Un petit conseil: quand tu iras voir la Tentation, elle te dira de comprendre ce monde et que, ainsi, tu pourrais, et uniquement après cela, le changer... Sache que si tu le comprends, tu ne pourras plus le changer. Si tu veux vraiment le changer, reste grand, avec tes idées, mais sache aussi que, ici, tes idées sont ridicules et ne représentent rien...

- De toute façon, c'est peine perdu... Que faire?

- C'est peine perdu car tu n'as rien à faire ici...

- Aide-moi...

- Tu veux que je t'aide? ... Souviens-toi, je vais t'éclairer, souviens-toi, au début de ton chemin, l'Envie t'as dit que tu n'aurais plus d'espoir à la fin de cette route...

- J'en ai bien encore un peu, mais...

- ... Tu dois te tromper... nous y sommes."

En effet, sur le bord de la route, il y avait une pancarte sur laquelle il était écrit ceci: "Fin".

Sur ce, l'homme, content qu'il lui reste un peu d'espoir appela l'Envie:

"- a-t-il?

- Tu vois, il me reste un peu d'espoir, et nous sommes à la fin...

- Le peu d'espoir qu'il te reste ne m'inquiète pas... et puis, ton espoir a laissé place à la compréhension. Tu as compris beaucoup sur ce monde... tu ne pourras pas le changer...

- Je le ferais! Il m'en reste, et je m'en servirais pour changer ce monde!

- Ce monde, qu'a-t-il de pire que le tiens?

-... rien...

-... et malgré tout vous êtes comme ça. Vouloir changer les choses en croyant bien faire, sans vous soucier de ce qui vous entour... essayez, et réussissez, je vous le souhaite...

- Pourquoi?... Pourquoi?...

- Vous n'avez de cesse de venir en ces lieux en croyant bien faire et en voulant changer ce monde qui s'est créé grâce aux habitants d'ici... Détruisez, puisque vous le souhaitez tant... vous avez peut-être raison... le hasard d'un monde neuf vaut peut-être la tristesse et la pureté d'un monde qui a vécu au travers l'âme de ses habitants...

- Comment changer ce monde pour qu'il soit bon et beau...?

- Il faut lui parler dans votre tête... pour le changer vous même...

- Pour cela, je suppose qu'il me faudra accomplir le travail de tout une vie, que je suis trop vieux? je suppose qu'il me faut redevenir petit?

- Oui...

- Jamais.

- Et bien votre tâche ici est devenue, à l'instant, éternelle...

- Je ne pourrais plus le changer une fois petit...

- S'il vous reste un peu d'espoir...

- ... oui, je suppose..."

L'homme s'avança, dépassa la pancarte pour prendre la main de la petite fille. Il s'agenouilla, pour qu'elle lui touche le front. Dès lors, juste avant de devenir un petit garçon, il savait qu'il deviendrait comme les autres, et il n'avait plus d'espoir. Il s'était voilé la face avant d'avancer près d'elle, pour se permettre cet échec sous de faux airs de victoire prochaine. Il n'avait réellement plus d'espoir avant d'être changé en enfant, voyant qu'il était bloqué ici, dans ce monde, contre tous.

C'est la voie d'un petit garçon qui s'éleva:

"- Tu as gagné. Tu es contente... j'ai dépassé cette pancarte quand je n'avais plus d'espoir... je vais devenir comme les autres...

- Tu l'es déjà. Je suis un peu déçu... j'avais envoyé quelqu'un te prévenir afin que tu ne face pas la même erreur que les autres... je voudrais tant que se monde change. Que les gens veuillent plein de choses. Souhaitent, espèrent à perdre la raison... Mais tous, ici, comprennent ce monde.

- C'est toi qui avais envoyé le petit garçon?...

- Oui. Je te l'ai dis au début, je m'ennuie...

- Tu ne peux pas le changer, toi?...

- Je n'existe que par eux...

- Je n'ai envie que d'une seule chose maintenant: comprendre ce monde, puisque je n'ai rien d'autre à faire...

- Tu vois, la seule chose qui reste, c'est l'envie... c'est pour ça qui j'existe. Mais voilà que je suis réduis à accomplir ce qui existe déjà. Mon devoir est un néant sans fond. Un ennuis perpétuel... Même en te prévenant, tu n'as pas pu évité ce qui semble être une inéluctabilité... à hauteur d'homme, seulement. Il faut croire que tu es particulièrement faible, ou lâche... ou peureux. Mais tu as des idées,... je vais pourvoir m'amuser avec toi si tu m'oublis... Promets-moi de m'oublier...

- Promis.

- Comment t'appelles-tu?

- J'm'appelle Pierre et je veux changer ce monde, maintenant que je peux...

- Oui, tu peux... c'est bien... ça va être marrant... Oublis-moi, Pierre!"

La douce enfant s'envola, un sourire aux lèvres, dans le noir que dégageait ses yeux.

"Au revoir."Dit Pierre.

Pierre marcha sur la suite du chemin qui le conduisit à l'entrée de ce monde – une forêt sans feuilles.

Dans le bois, il entendis un bruit...

"-Bonjour!... Pierre regarda partout.

- C'est moi, la branche, qui parle...

- Bonjour... comment tu t'appelles?

- Je m'appelle Tom, et toi?

- Je m'appelle Pierre..."

Voilà pourquoi les enfants n'aiment pas grandir

Entre incompréhension et désillusion, voilà où se situent les impressions d'Elisabeth.
Elle s'est arrêtée d'évoluer l'espace d'un instant car elle essaie de comprendre.

Un brouillard d'idées parfaitement révolutionnaire est sur le point de jaillir de son cerveau sans pour autant qu'elle puisse les utiliser encore.

Elle sent un monde de ressentiments voir le jour. Un monde dont elle ignorait tout jusqu'à maintenant. Et si elle n'a pas encore la faculté de savoir que toutes ces nouvelles idées avec lesquelles on change un monde la suivront toute sa vie, elle peut dès à présent percevoir un goût étrange. Elle commence à percevoir inconsciemment qu'il se passe quelque chose dans sa tête. Une saveur semble gagner toutes les idées qu'elle a logé en elle depuis la nuit des temps, depuis son propre commencement.

L'encre a une odeur bizarre. L'encre qui écrit sur la feuille ce que personne ne pourra plus jamais effacer a cette odeur caractéristique que l'on n'oublie jamais après l'avoir senti une fois.

C'est l'odeur qu'il y a dans la tête
d'Elisabeth alors qu'elle regarde la voiture s'en aller. Et on sait tous que se goût a des pouvoirs étrange tout le reste de notre vie.

Elle suggère à son corps de répondre, tente de protester contre ces choses qui ne devraient exister, contre cette voiture qui s'en va, contre les gens et contre sa mère.
Mais son corps refuse. Comme s'il s'en moquait. Comme s'il était déjà adulte, lui.
Il lui vint une sorte d'impression curieuse.

La révolte.

La révolte de sa tête contre son propre corps - ce goût, également, on ne l'oublie jamais.
...Et contre sa mère, aussi.

Comment les enfants ont décidé d'en finir



Il y a des enfants qui pensent, eux, que le monde, passé un certain âge, devient moche et terrible.

Terrible surtout.

Si bien qu'ils ont peur de grandir.


J'en connais. J'en connais au moins un.

Son regard m'offrait de partager ses craintes lorsqu'il regardait le spectacle du monde.

Peu a importé de savoir combien d'enfants seraient présents pour le doux Concerto de la Folie en incompréhensible Majeur. Peu a importé au monde de savoir combien ne comprendrait pas. Peu a importé de savoir combien, malheureux qu'ils ont été, combien d'enfants on, eux, parfaitement compris ce qu'il se passait.
Les adultes engendrent un monde qui gagne du terrain.

Peu a importé aux gens, qu'on ne peut appeler ainsi que parce qu'ils ne sont plus des enfants, peu leur a importé de voir leurs propres enfants préférer la mort que l'oubli.

Comme ces petites pensées solitaires qui sont dans nos têtes, qui fuient notre intellect, et qui donnent un goût amer à tous le reste de notre existence. Comme ces petites pensées qui fuient pour ne pas être oubliées et dont le goût n'est autre que la réminiscence de ces mêmes petites idées qui rejaillissent de temps à autre dans notre mémoire consciente.

De temps à autre on se souvient.

De temps à autre on se rappelle nos belles pensées.

De temps à autre on se met à pleurer. Pleurer parce qu'on est plus l'enfant qu'on était, et que, encore aujourd'hui, des fois on préférerait la mort que d'avoir eu à grandir.

Ce qui c'est passé n'est pas un hasard, semble-t-il. Ce qui s'est passé devait se passer, peut-être, parce que nous pouvons tous, à notre façon, justifier ce qu'ils ont fait, et parce que nous aurions tous être à leur place un moment ou un autre.

Plus de sept cent mille enfants aux quatre coin du monde, une même longue nuit ont refusés d'oublier.

Personne ne demande pourquoi. Tout le monde s'est vu un instant à leur place.

Ils n'ont sans doute pas trouvé le chemin


Il n'y a pas d'ami.
Il n'y en a jamais eu.

Ce qu'il y a à la place de cette chose qui est sensée être là, c'est le vide. Un vide impalpable.
On nous fait croire que l'on a des amis ou que l'on peut en avoir au cours de notre existence, on nous saoule, on nous alcoolise avec nos futurs amis qui nous aideront à combattre toutes les difficultés de la vie – ces mêmes difficultés dont on nous assène sans la moindre pitié. À quoi bon avoir de la pitié? Si ça n'est encore le cas, si nous n'avons pas encore ces précieuses compagnies et bien, ils nous le promettent, bientôt nous aurons des amis. Des vrais. Des amis à ne plus savoir qu'en faire, et qui nous aideront, chacun d'eux, à relever la tête et à mener le combat dont, ils nous le promettent encore, nous sortirons victorieux. Ces amis dont ils nous parlent tant et tant qu'ils se permettent envers nous toutes les cruautés, comme s'ils étaient déjà là, ces amis qui sont l'excuse de toutes les souffrances subit par nous, victimes des dieux élégiaques, ces amis ne sont jamais venus.

J'ai pourtant attendu longtemps. Aussi longtemps que j'ai pu.

Un moment, même, j'ai tendu le bras dans l'aire, pensant pouvoir attraper un ami en route vers un autre endroit qu'ici... J'ai même tendu le bras. Comme un salut. Et j'ai attendu quelques temps, le bras tendu devant moi, ou à coté. J'ai attendu. Et sur l'autre côté. Et j'ai attendu encore.

Et puis j'ai réalisé en tendant ce bras qu'il n'y avait personne autour de moi. Personne, et pas d'ami.

J'ai réalisé qu'il n'en viendra pas. J'ai réalisé qu'il n'est pas inéluctable de finir à deux, ou très bien entouré, comme ces gens dont on nous parle depuis notre enfance.

Il est possible, oui, que nous soyons véritablement seuls. Chacun, attendant ses amis, et chacun désemparé par le mensonge qui vient de nous sauter aux yeux.

Nous avons tous entendu cette petite phrase un jour, se loger au coin de notre tête. Cette phrase qui ne voulait rien dire. Cette petite phrase qu'il nous étonne de ressortir aujourd'hui et qui pourtant résume tout. Tout: " nous sommes tous seuls au monde."

C'est à peine croyable.