vendredi 5 février 2010

Voilà pourquoi les enfants sont à jamais seuls

Après la mort des enfants, le monde saigna pendant une année entière.
Il ne s'agissait pas là du deuil de chacune des familles, non.
Chacune des familles, chacune de leur côté, mettra plusieurs années à s'en remettre.

Non.
Il s'agissait bien là de l'enfance du Monde qui s'était donnée la mort. Pas simplement des enfants, des milliers d'enfants. Non, pas simplement.
L'enfance du monde.
Pendant plus d'un an, il sembla que l'on pu ressentir partout autour du globe que le Monde n'avait plus de descendance.
Chaque parent se sentait seul. Chaque ville, chaque village ne possédait plus ses formidable “génération futures”. Tous, absolument tous, tout le monde, le monde entier, en passant par les vieillards et les adolescent, tous avait perdu leurs chers enfants, leurs bambins...

Ceux qui vivait toujours se faisaient coudre à même la peau, en fil de coton blanc, le deuil qu'on leur ferait porter toute leur vie.

Cela se fit en un instant.

En un instant, tous les survivants se firent coudre sur la peau le deuil et la culpabilité. Ce fil de coton blanc formait des lettres incompréhensibles - comment écrire ce qu'on ne peut comprendre?
Les enfants furent marqués de cette blessure.
Ceux qui avaient survécu.

Au tout début, ils souffraient de ne pas savoir les lire ; comprenaient, ou on leur faisait comprendre qu'ils étaient trop jeune pour comprendre mais qu'ils comprendraient en lisant.
Puis ils ont appris à lire et ne comprenaient toujours pas. On leur dit qu'il leur manquait le vocabulaire...
Le Vocabulaire.

Puis ils devinrent adultes.
Ils devinrent adultes et comprirent qu'ils ne comprenaient pas, tout simplement parce que les lettres qui leur déchiraient encore la peau ne formaient pas de mots, ne formaient pas de lettres.
Peut être parce qu'il n'y avait rien à dire, et que les adultes ne voulaient tout simplement pas oublié, alors ils ont décidé d'écrire ce qui s'étaient passé, sans trouvé les mots pour le raconté, sur leurs propres enfants.
Les enfants qui étaient devenu adultes se rendirent compte que l'on avait écrit sur eux le poids d'une blessure que personne ne voulaient oublier. Leurs parents avaient écrit sur les survivants et avaient cousu sur eux en lettre illisible de ce coton blanc mystérieux le Malheur pour ne pas oublier que leurs enfants étaient morts. Et ces grands enfants, à chacun des mouvement qu'ils devraient faire tout au long de leur vie, souffriraient de cette blessure qui ne se refermera jamais. Parce que leur aïeux ne veulent pas oublier que leurs enfants sont morts.

Les survivants ne comprirent jamais, faute de ne pouvoir le lire, ce qui c'était passé.

Et à chaque pas qu'ils faisaient dans la vie, on les regardait comme des survivants...

jeudi 4 février 2010

Voilà pourquoi les enfants son silencieux.

Toutes les choses qui flottent dans l'air sont perçues par les les enfants.
Mais Magalie, elle, ne le dirait pas de cette façon.
Magalie pense, elle, qu'il y a plein de choses qui lui échappent.
Elle a hâte de grandir, d'ailleurs. Puisqu'en grandissant, on comprend mieux les choses.

C'est papa et maman qui disent ça, souvent.
Et même si de temps en temps, comme on sent une légère piqûre, elle pense qu'ils se trompent secrètement, elle a fini par admettre cette axiome. Mais n'y croit pas vraiment. Disons plutôt qu'elle l'a admis comme on admet quelque chose qui n'a pour nous ni sens , ni aucune espère d'importance...
L'impression que lui fait d'ailleurs cette espèce de vérité extra-terrestre est la même, à chaque fois qu'il lui prend de se la dire en elle-même. « Papa et maman comprennent mieux les choses... parce qu'ils sont grands ».

Aucun sens.
Comme si ces mots étaient associés librement dans une phrase incorrecte syntaxiquement. Des mots que, pense de temps en temps avec effroi Magalie, seul un automate dépourvu de vie pourrait prononcer...
Elle ne sait pas pourquoi elle repense à cette histoire d'automate.
Une petite fille au milieu d'une conversation, un jour, avait glissé l'éventualité que certains adultes pourraient être des machines, tellement il semble que ce qu'ils disent est bizarre des fois, avait-elle dit.
Magalie y pense de temps à autre avec une sensation curieuse, mêlant l'improbable et le parfaitement cohérent.

Magalie aime sa maman.
Et il n'est pas question de savoir si réellement maman a tort ou raison. Ce qui est sûr c'est que sa maman n'est pas une machine.
Elle se sent coupable de blasphème, un peu, à chaque fois qu'elle pense distinctement à sa maman et à ce que lui avait dit cette petite Margaux, sur les automates.
Papa... papa, peut-être, oui.
Mais peut-être est-ce normal. Après tout, les adultes sont très loin des choses que l'on sait. Il semble assez logique que leur vie, leurs habitudes tout le reste le soit aussi.
Non. Un automate, maman, jamais...

Magalie n'est pas stupide. Elle sait que deux robots qui s'aiment ne font pas un bébé humain. Ses compétences en biologie ne s'étendent pas plus loin. Pas au point de savoir si d'un amour entre un robot et une humaine peut naître un bébé humain.
A moins que...
Et puis Magalie se souvient que ça fait déjà longtemps qu'elle n'a pas pleurer.
Et puis elle cherche dans sa mémoire...
Non. Elle ne se souvient pas avoir déjà pleurer.
Elle cherche.
Oui... les enfants pleurent.
Les enfants... humains.

Elle reste là, un instant. Comme en suspension au milieu de ces idées très graves qui lui sont passées dans la tête. Le souffle coupé. Dans un état... pas un état de choc, mais plutôt avec le désir de se laisser un temps de répit avant d'y penser...
Même en pensant à ses parents, elle n'arrive pas à se rassurer. Comment sa mère aurait-elle pu tomber amoureux d'un robot par inadvertance?
Impossible... Enfin, il semble peu probable que la maman de Magalie se soit fourvoyé à ce point.
...
Peut-être que sa mère le savait.
Peut-être que sa mère est tombée amoureuse d'un robot de façon parfaitement consciente.
Peut-être même que ses parents voulaient un bébé un peu mécanique...
Magalie a l'impression d'entendre cette petit camarade à côté d'elle, profiter de toutes ces questions pour s'immiscer dans sa conversation intérieure.
Elle sait bien, Magali, que ces choses là n'existent pas. Ce ne sont peut-être même pas ses propres idées qui la travaillent, mais bien les idées de cette fille bizarre.

Elle se demande si les gens peuvent, par des moyens étranges, s'introduire dans la tête des autres pour y résider insidieusement et de façon permanente... Elle se demande si par hasard toute cette conversation qu'elle poursuit avec elle-même est réellement issue de sa propre volonté ou bien si c'est la volonté de cette petite fille, Margaux, avec son seau et sa petite pelle faisant semblant de jouer dans le bac à sable...

Et que penserait son père de toutes les idées qui lui passent par la tête? Son père...
Aurait-il voulu avoir un bébé mécanique, lui?
Magalie se demande s'il aimait tellement sa maman qu'il a renoncé à son rêve de bébé mécanique pour avoir une fille à moitié humaine seulement.
Elle est un peu rassurée.
Ça confirme un peu ce que son papa lui a dit quelques jours plus tôt. Qu'il aime sa maman plus que tout.
C'est pour cela qu'ils partent.
Tu es le fruit de cet amour, lui a-t-il dit ensuite, alors oui, bien sûr que je t'aime. Et je t'aimerais toujours, quoi qu'il arrive... tu es mon poussin.

Elle regarde par la fenêtre arrière de la voiture et se demande si on peut aimer toujours.

Non.
Magalie a pris son parti de penser que non, toujours n'existe pas. Si non maman serait assise sur le siège avant de la voiture. En fait, ils ne seraient même pas dans la voiture à cet instant puisqu'ils ne seraient pas en ce moment même entrain de quitter sa maison. Celle qu'elle aime parce qu'elle lui fait penser à maman...

Elle choisi de ne pas répondre à la question du toujours immédiatement. Connaître la nature exacte de son père est une question assez délicat pour choisir de prendre son temps pour répondre.
Magalie arrête là sa pensée. Encore.
En même temps que toutes ces impressions qui flottent à présent dans sa tête et sur lesquelles elle reviendra il passe un elle un constat plus terre-à-terre que tout les autres.

C'est éprouvant de chercher dans l'inconnu des réponses. Et puis ces questions... suis-je sûr d'en saisir l'importance? (Elle ne se pose pas cette question en ces termes exactes mais elle éprouve un gros doute indistinct concernant les problèmes qu'elle soulève).
Elle se retourne brutalement.
Les idées sont balayées d'un courant d'air de réalité. Le bruit du gravier.
Son père est sorti de la maison et s'approche de la voiture.

Elle prend soin de cacher derrière un lourd rideau tout ses doutes. Hors de question que son père les voit.
Son père monte dans la voiture, Magalie prend une mine de circonstance pour jouer la comédie, mieux que jamais.
Qui donc est-il?

Il ne comprendrait pas. Ou si, mais il serait vexé, peut-être.
Elle attendra d'être seule pour libérer ses questions et leur donner une réponse.

Elle pense que ça y est.
C'est donc maintenant. Elle n'a plus de maison. Et n'a plus sa maison. Celle de maman.
Ça aussi, d'ailleurs: comment est-ce possible?