lundi 2 novembre 2009

Voilà pourquoi les enfants ne veulent pas parler aux adultes

De l'aire.
De l'aire.
Margaux veut respirer.

La bouche qui est devant ses yeux continue à remuer en articulant grossièrement. Mais aucun son n'en sort plus depuis quelques minutes.
Elle cherche un souffle, mais l'homme qui agite les lèvres ne se rend compte de rien.
Il parle.
Il dit des mots.
Et ces mots qui viennent les uns à la suite des autres ne veulent rien dire pour Margaux qui n'entends plus.
Il semble que cette bouche grotesque qui remue pour faire semblant d'être vivante s'active comme le ferait un automate obscène, faisant apparaître par moment son intérieur , luisant de salive, écarlates.
La bouche devient énorme et Margaux commence à voir en détail les fines ridules des lèvres, leurs commissures où stagne un peu de salive qui sèche lentement. Blanchâtre.

Elle continue à s'activer. Toujours morte, mais faisant semblant de ne pas l'être.
Qui va-t-elle tromper, cette bouche? Cette bouche est sans vie depuis quelques minutes déjà. Margaux s'en est rendu compte lorsqu'elle a commencé à chercher du secoure dans le regard vide de ce qui est devenu un robot (elle ne s'en rendait pas compte jusqu'à cet instant) qui vomissait ces mots à son attention. Quelque chose n'allait pas dans ce qu'elle entendait, et c'est quand elle en chercha la raison du regard que la réalité lui sauta aux yeux.
Ça n'était plus un adulte qui lui parlait, c'était un robot activant une bouche mécanique cachée sous quelques très fins millimètre d'une peau synthétique qui n'échappait en rien à Margaux.
Elle avait écouté depuis un certain temps déjà cet individu qui semblait plein d'humanité, et maintenant elle voyait la mascarade qu'on jouait à son attention. On voulait lui faire avaler une réalité insupportable, et trop sûr de la naïveté des enfant, on n'avait envoyé qu'une simple machine pour faire passer la pilule.
Mais Margaux est une enfant.
Et elle avait vu, comme tout les enfants l'aurait vu, la supercherie, à l'instant même où elle avait tenté de sonder l'adulte qui lui parlait.
Ça n'est pas la première fois que Margaux remarquait la grossière substitution que l'on fait entre un adulte et un automate.
Elle avait même remarqué que la substitution se faisait souvent à un moment précis.
Lorsque qu'elle sonde l'adulte qui est entrain de lui parler afin d'avoir des réponses à la somme exorbitante d'incompréhension que Margaux a dans la tête. C'est toujours à ce moment, a-t-elle remarqué, qu'elle n'a plus l'adulte d'il y a une minute devant elle. C'est toujours à ce moment, pense-t-elle, qu'on vient transformer devant ses yeux l'adulte en automate, qui ne comprend plus rien aux phrases qu'il termine. Ces phrases emportées par l'élan humain.

Lorsqu'un adulte parle, il ne faut pas chercher de réponse dans son regard, car c'est toujours à ce moment que la substitution se fait et que ce dernier est instantanément remplacé par un automate.
Peut-être est-ce pour que l'adulte ne risque jamais de donner la réponse.
Margaux est entrain d'apprendre qu'elle ne reverra jamais plus ses parents qui l'aimaient... , et elle pense que l'automate est un automate non pas pour qu'elle n'ait jamais de réponse à ses questions, mais pour la simple raison que l'adulte qui serait resté en face d'elle aurait perçu la quantité de questions qu'elle a dans les yeux, et, le pauvre petit adulte, n'aurait, lui, pas eu la force de voir tant d'incertitude.
Pour Margaux, ce transfert n'est pas pour permettre aux adulte de cacher la vérité aux enfants sous couvert d'un automate qui est incapable de répondre. Non. Pour Margaux, c'est simplement que les adultes ne savent pas où sont les réponses aux questions qu'ils se posent, et que ça leur est, contrairement aux enfants, insupportable. Alors à chaque fois qu'ils sont confrontés à de graves questions, ils s'enfuient et mettent un automate à leur place pour ne pas voir ces questions auxquelles ils n'ont aucune réponse.
Margaux revoit une dernière fois l'automate avant de s'enfermer dans un mutisme qui sera très long. Elle le regarde bien. Puis elle s'apprête à tourner le dos à cette machine qui bouge les lèvres silencieusement.
Avant d'accepter son désenchantement, elle aura une dernière pensée. Un conjecture... Elle imagine l'adulte qui a pris la fuite, la laissant seule avec le robot. Elle le voit, les yeux plein d'effroi parce qu'il a failli voir en elle toutes ces questions. Elle le voit en ce moment même s'arrêter de courir et entrer dans une pièce, à quelques couloirs de là, pour reprendre son souffle. Et elle le voit qu'il se met à pleurer.

Margaux ne dira plus jamais rien.

mardi 1 septembre 2009

Voilà pourquoi les enfants n'aiment pas regarder sous les lits...

Il semble que les enfants ne soient pas les seules victimes.
Lorsque Margaux s'est tue pour la dernière fois, s'était pour songer à jamais aux larmes d'un adulte.
Elles sont plus terribles que tout ce que j'ai vu, a-t-elle pensé. Puis son mutisme a fait surface.
Le mutisme.
Il est une sorte de béton encore liquide qui s'insinue dans la moindre anfractuosité de l'esprit. Il dégouline en refroidissant tout à son contacte.
Et puis des moisissures apparaissent au travers certaines parois. Et puis le béton, une foi insinué partout et le plus profondément possible, sèche. Sèche et fige le tout à jamais sans possibilité de récupération.
Le mutisme d'un enfant c'est ça.

On a présenté Margaux à plusieurs adultes. De sages et sérieux adultes qui ont fait pour la plus part des études pour les enfants, pour les aider, puisque quand les enfants ont besoin d'aide, seul un adulte peu les aider...
Mais voilà, Margaux est une enfant. Alors si il y a une personne qui ne peux aider Margaux, c'est un adulte.
Elle a vu beaucoup d'adultes. Et personne n'a compris son mutisme. Personne parce que tous sont adultes.
Il a bien fallu se rendre à l'évidence, en voyant que Margaux s'adressait normalement aux enfants de son âge (toutefois, on décelait une certaine méfiance dans ses yeux lorsqu'un adulte se trouvait à proximité...) : le mutisme de Margaux ne concerne que les adultes...

C'est un adulte qui a trouvé. Il avait fait des études d'une longueur normale.

La vérité que Margaux garde bien au fond de sa tête, c'est, bien sûr, l'enlèvement de ses parents par ces automates qui remplacent petit à petit tout les adultes de par le monde. Des automates dépourvus de conscience pour remplacer ses parents, comme c'est pratique... ainsi les enfants n'auraient jamais les réponses qu'ils cherchent dans leurs yeux.
Les parents ne comprennent pas.
Même après l'avoir interrogée, une lampe dirigée contre son visage pour bien voir son expression neutre, ses parents n'ont pas eu de réponse.
Margaux fut torturée durant une longue, très longue partie de sa tartine du goûté... et puis ils ont éteint la lampe, la lampe du four a micro-ondes, pour lui donner son chocolat chaud.

Il sera écrit dans le grand livre de la mémoire collective :

Margaux, malgré la torture à plusieurs reprises,
à la fin n'a jamais parlé.

Comment peut-on comprendre que son enfant se mette du jour au lendemain à nous regarder avec une pointe de méfiance? Avec, même, un brin d'hostilité dans l'oeil, parfois...?
Margaux aimait ses parents et ne comprend plus le sentiment qui la relie à eux. Elles ne sait pas où ils sont. Et elle aimerait bien les revoir vivant.
Il lui faudrait parler à l'Autorité – celle qui est responsable de leur enlèvement – pour obtenir leur libération, mais comment?
Elle n'aime pas ces deux adultes et préférerait ne pas avoir affaires à eux.
Elle a bien fait des lettres très officielles à coups de croix au crayon feutre sur une feuille. Elle les a laissées sur la table de la cuisine, en espérant que les automates les remettraient en main propres à un supérieur... mais il semble que ça n'ai jamais fonctionné.

Et puis elle a appris à écrire en CP.
Elle compris très vite l'intérêt d'une telle formation pour rédiger des lettres en bonne et dû forme, avec des questions plus précises...

Mais le temps a passé.
Margaux conclu un jour que ses parents étaient sûrement morts, peut-être depuis longtemps. Tués par une autre sorte d'automates qui sont chargés de faire disparaître les anomalies de longue durée ( comprenez ses parents ). Elle conclu également qu'elle ne pouvait plus faire traîner ses lettres sur la table de la cuisine.
Ne connaissant aucune adresse sérieuse où envoyer toutes ses questions – à commencer pas la mort de ses parents ..., il s'agissait pour le moment de les mettre en lieu sûr, car si ont venait à découvrir les raisons de son mutisme On pourrait bien en venir à des solutions radicales pour lui faire cesser sa résistance, comme lui greffer une bouche mécanique.
À défaut de vouloir parler, ils lui feraient faire semblant pour ne pas risquer d'éveiller des soupçons auprès de ses petits camarades. Et faire ainsi passer toute envie de résistance.
Alors elle pris la décision de cacher sous son lit toutes ces lettres, pleines de question adressées à l'Autorité, jusqu'à ce qu'elle trouve solution plus adéquate.
Et ses parents mécaniques, faillant dans leurs mission journalière de rallier à leur cause cette petite fille déviante devenaient de plus en plus aigris.

Ils usaient de temps à autres de subterfuges pour lui arracher un mot, mais en vain. Le stresse mécanique montait dans leurs rouages de mannequins, Margaux le percevait. Elle pouvait les entendre, des fois, verser quelques larmes, ou bien se disputer.

Un jour se déroula l'attaque éclaire.
C'était un matin. Son père monta les escaliers en trombe et immédiatement Margaux pensa à sa bouche mécanique. Elle se crispa dans ses draps et la porte s'ouvrit violemment. On la pris avec force, on la sorti du lit pour la redresser et l'homme l'astreignit de lui dire un mot. N'importe lequel.
Il y eu une seconde de silence... et le regard du père de Margaux devint profond et blanc. Margaux pensa immédiatement au regard pâle des requins qui vont attaquer. Elle n'eut pas le temps d'avoir peur que l'homme se rua sur elle et la secoua de toutes ses forces. Et la bouche la mis en demeure d'articuler une phrase. La violence du père de famille redoubla et Margaux pris peur des conséquences... elle craignit pour sa vie. On appelle ça une machine défaillante et elles peuvent faire n'importe quoi. N'obéissent plus à aucune règles qu'on leur a imposé. Et ce père, à cet instant, aurait très bien pu la tuer... Margaux se mit à crier. Il n'avait pas le droit ! Il n'était pas là pour la tuer !... et elle se mit à pleurée, convulsée par la peur. Elle bredouilla dans les derniers instants qu'elle voulait voir ses parents. Son père l'avait lâché, le regard plein d'effroi.

À la suite de cette incident, Margaux vit de plus en plus un adulte en particulier. Les machines lui expliquaient que l'adulte serait toujours le même, de façon à ce que Margaux s'habitue à lui et ainsi puisse prendre confiance en lui.

Margaux continuait ses lettres, et elles continuaient à gagner le dessous de son lit une fois écrites.

Margaux passa en sixième où elle eu énormément de difficultés. Essentiellement dues aux traîtres qui se faisaient de plus en plus fréquents du côté des enfants. À croire que ses camarades avaient admis la situation sans résistance. Sans vergogne.
De son coté, l'adulte qui lui était attribué avait réussi à éveiller son attention. Il avait simplement, un jour où il voulait probablement rendre des comptes à quelqu'un, demandé à Margaux ce qu'elle voulait. Qu'attends-tu, Margaux? Que veux-tu?
Margot n'eu pas assez confiance pour lui parler de toutes ces questions sans réponses gravées sur du papier de toute sorte se trouvant sous son lit. Elle lui dit simplement qu'elle voulait parler à un responsable qui aurait autorité pour la renseigner.
L'adulte, petit débutant qui ne connaissait pas l'Histoire, la vie de Résistance de Margaux trouva habile de lui rétorquer que lui avait l'autorité requise et qu'elle pouvait se confier à lui.
Margaux, pour finir, lui dit qu'elle savait ce qu'il était et qu'elle ne s'adresserait qu'à un humain.

Elle dormait de plus en plus mal. Elle avait pris l'habitude de fermer sa porte à clef depuis l'agression des machines qui avait mit au grand jour la supériorité de Margaux pour ce qui est de la volonté de se taire.
Le combat de tout une vie fatigue immanquablement, et insidieusement. Et Margaux ne pouvait pas se permettre de dormir réellement des deux yeux.
Elle avait pris l'habitude également de se badigeonner la bouche de beurre de façon à ce qu'il fut impossible de substituer une bouche mécanique à la sienne. Ça glisserait et ça ne tiendrait jamais. Parallèlement à ça, elle continuait d'écrire ses lettres pleines de questions. Et elle continuait à les cacher sous son lit. Ce lit qui commençait à ne plus être assez grand.

Le temps passait et Margaux était de plus en plus seule dans son combat. Elle n'avait aucun camarade en quatrième.
Trop versatiles.
Elle commençait à voir comment les humanoïdes recrutaient, parmi les enfants, leurs futurs soldats. Ceux qui acceptaient de se faire opérer...
Certains revenaient avec des bandages ou des plâtre, prétextant des accidents quelques semaines plus tôt alors que Margaux était là, quelques semaines plus tôt, et qu'elle n'avait rien vu.

Ce n'ai que bien plus tard qu'elle commença à comprendre pourquoi elle n'avait jamais de réponses.

On lui parla du fait de changer de collège.

On lui parla de la mettre dans un établissement où plusieurs adultes seraient chargés d'apporter des réponses à ses questions.

... On lui parla des lettres. On les avait trouvé. On trouvait toutes ces lettres sans exceptions très intéressantes et on en parlerait avec elle. Du moins, si elle le désirait.

On lui demanda de rentrer chez elle, et de prendre quelques affaires qu'elle aimait bien et d'autres de rechanges, mais pas trop.

Elle supposait qu'ils mentaient, naturellement, pour les lettres. Ils ne pouvaient pas les avoir trouvées, elles étaient cachées sous le lit.

Elle rentra chez elle sur la banquette arrière de la voiture de l'homme qui l'avait violenté il y a maintenant plusieurs années. Elle avait la peur au ventre, et une insoutenable impatience concernant l'histoire des lettres... comment auraient-ils pu être au courant? Personne n'avait fouillé sa chambre pendant la nuit car elle ne dormait que d'un oeil et l'autre surveillait la poignée de la porte... elle seule savait.
À peine arrivée devant la maison, elle sorti précipitamment de la voiture et couru à l'entrée de la maison.

Une femme était là qui pleurait, sur le canapé du salon et qui lui dit qu'elle était désolé ma petite fille... mon poussin...

Margaux monta quatre à quatre les marches de l'escalier qui menait à sa chambre.

Sa porte était ouverte... ils avaient trouvés sa chambre, mais Margaux avait encore bonne espoir...
Espoir... l'espoir... et elle regarda sous le lit... les lettres...
Elle eu des larmes qui remplirent ses yeux. Des larmes de peur. Une peur qui grandissaient à chaque seconde.

Ils avaient trouvés les lettres. Ils les avaient trouvées alors qu'elle seule savait. Comment était-ce possible?...

La gravité de la situation était sans précédant et la réponse ne se fit pas attendre.
Elle n'avait pas ouvert la bouche depuis si longtemps. Ils ont dû réussir, un jour, sans qu'elle s'en rende compte, à substituer, malgré le beurre, un bouche mécanique à la sienne... d'ailleurs, pour en avoir le coeur net elle essaya à cet instant de parler et rien ne sorti. C'était la preuve.
Malgré toutes ses nuits à ne pas dormir, ils avaient réussi à échanger sa bouche.
Toutes ces années de lutte... et ils avaient réussi. Enfin.
Elle connaissait cette guerre mieux que personne mais ça n'avait pas suffit.

Ce qui avait dû suivre le vol de sa bouche, elle le devinait sans peine. Par des méthode de torture élaborées dans un laboratoire secret, ils avaient forcé sa bouche à leur dire tout ce qu'elle savait. Et sa bouche n'avait pas eu la force de résister aux mauvais traitements. Sa bouche n'avait pas l'immense courage de Margaux. Et Margaux venait de découvrir toute la vérité.
Ils allaient l'emmener, elle aussi et l'obliger à parler pour poser aux automates toutes les questions qu'elle se posait, et ils allaient en faire une automate qu'ils allaient opérer comme ceux qu'elle a vu à son école.

Elle devait avant tout retirer cette bouche mécanique qui tenait là, malgré le beurre.
Elle sorti de sa chambre. L'homme était à l'entrée de la maison et l'attendait. Elle lui dit " j'arrive " de se ton mécanique que sa vrai bouche n'aurait jamais pu prendre.
Rapidement elle fit le tour de la maison à la recherche de quelque chose.

Arrivée à la cuisine, elle trouva enfin un objet pointu, un tournevis, qu'elle se planta dans la gencive, et qu'elle fit tourner avec acharnement. Elle s'y repris à deux fois pour la machoire inferieure et le temps pour son père d'intervenir, elle avait déjà détruit la majeure partie de ce qui ne ressemblait plus à rien...

Elle était prostrée dans un coin de la pièce à même le sol, et le regardait avec les yeux d'un animal traqué par la folie. Son souffle court s'échappait de ce qui n'était plus qu'un palais et une langue.
Les lèvres avaient également été arrachées.

Elle regarda l'homme. Longtemps.
Elle éprouvait une douleur abominable, plus vive que tout ce qu'elle avait pu connaître, mais ça n'était rien à coté de ce qu'ils lui aurait fait, pensa-t-elle, avec une légère sensation de victoire.

Et il est resté là-bas.

Hier j'ai revu mon ami Maxime.
Hier j'ai revu un ami que je n'avais pas vu depuis plusieurs années. Et on a parlé. Dans la rue. Sur le trottoir on était comme dans un salon de thé, et on discutait.
On a parlé de tout et de rien mais ça n'avait pas d'importance puisqu'on pouvait juste dire quelques phrases qui avaient un sens.
Ça faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé. Avec lui.
Rien que de le voir me regarder, de voir ses yeux regarder les miens, au fond des miens, sans me sentir...
Rien que de le regarder m'écouter avec les yeux, juste ça. Ça m'a fait un bien fou. De le revoir aussi bien.

J'avais oublié à quel point il était grand. Un quatre-vingt-quinze, deux mètres. Et il se tenait de toute cette longueur qu'il n'assumait pas encore très bien comme l'assume mal tout les grand très minces. Il avait fait moins grand et j'avais oublié de lever la tête pour l'atteindre. J'avais même oublier qu'à une époque il ne m'avais pas fuit.
J'avais oublié et secrètement, pendant qu'il prenait la parole, je lui en demandais pardon. J'avais oublié l'être humain qu'il avait été.

Comme tout le monde à une certaine époque, je n'ai vu qu'une rupture de contacte s'immiscer inéluctablement entre un être et sa raison. J'ai vu que la raison était un bien que l'on pouvait simplement égarer en chemin. Comme des clefs.
Il avait commencé par la ranger de cours instants. La glissant dans une poche obscure de son cerveau à des moments. Des moments que l'on cernait aisément au détour d'une conversation ou d'un coin de rue en tombant sur ce jeune homme au regard momentanément inconnus. Ces moments se faisaient de plus en plus fréquents.
De plus en plus loin, à chaque fois, nous tentions d'aller le rechercher, au fond de ses propres yeux où brûlait encore une petite lueur de conscience. On partait en croisade de plus en plus souvent.
Par moments, qui se multipliaient à une allure incroyable, personne ne le trouvait. On sais qu'il était quelque part derrières cette masse qui vous regardaient, mais il est impossible de savoir où. Et puis, il faisait si noire là-dedans.
On sentait sa conscience telle un ballon de baudruche, énorme, tendu par l'hélium, qui avait été encré au sol par de faibles racines de la raison et qui s'était envolé très loin au fond de ce cerveau défaillant, un jour que Maxime était tombé sur le nœuds du ballon et l'avait défait.
Nous sentions, même nous qui le voyions partir, à l'époque, que plus les jours passaient, plus le ballon s'éloignait implacablement.
C'est un regard qui était de plus en plus perdu au fond de son trou qu'il nous était donné de voir. Perdre l'esprit. Un être perdu...
A une certaine époque, il l'était.
J'en suis resté là. Nous en sommes tous resté là.
La peur de nous perdre dans les chemins inextricable de son esprit peut-être, nous a fait à tous lâché prise.
Maxime.

Un jour, un jour très précis, ma mère est venu me voir dans la cuisine. Et calmement, elle me demanda de ne pas me tenir à porté de ses mains.
Surtout s'il insiste pour te voir, a-t-elle fini par rajouté. Je n'ai posé aucune question.

Je suis avec lui aujourd'hui depuis au moins trois quart d'heure et malgré tout je reste dans l'expectative de voir son regard se perdre une fraction de seconde. Et puis de le voir furtivement revenir à la réalité, espérant que je n'ai rien remarquer. Mais nous nous regarderions. Je l'ai vu et il le sait. À se moment lui viendrait l'idée qu'il a longtemps détesté et selon laquelle je suis "au courant" et que je vais devenir gênant bientôt.

Tout ceux qui l'on connu à une certaine époque n'auront plus jamais le même comportement.
Je m'en rends compte alors qu'il me parle. Je l'observe. Je ne l'écoute que d'une oreille, l'autre étant tournée vers ses yeux, ses doigts – est-ce qu'il les croise comme un enfant le ferait pour conjurer une promesse qu'il ne peut pas tenir? Et au jour d'aujourd'hui, je suis agréablement surpris...
Il semble avoir gagné en patience, en sagesse, même, un peu.
Il est heureux de me revoir. Ça lui fait plaisir. C'est vrai que ça faisait longtemps, il croit. Il n'a pas compter. Il va mieux, vraiment. Il a beaucoup parlé durant une certaine époque et ça lui a beaucoup servi. Et il me regarde ravi.

Mais,... j'ose le dire ? Je n'y ai pas cru une seconde, et j'attends patiemment qu'il se réveille. Qu'un nystagmus trop voyant me rappelle enfin au Maxime que j'ai connu. Pas le vrai Maxime, c'est vrai, mais pour ceux qui l'on connu à cette époque-là, aujourd'hui il ne peut y en avoir d'autre.
Les autres n'existent plus et s'il a réellement changé à présent, c'est pour mieux nous revenir comme celui que l'on a appris à connaître. Car avec ce dernier l'habitude a pénétrée au plus profond de nous et le dérapage est derrière chaque geste. Geste des doigts, des épaules, chaque regard de travers. De travers car dans la tête de Maxime, comme dans celle des requins, lors d'une attaque physique imminente, il ne faut jamais exposer ses propres yeux directement, ça peut être néfaste.

C'est pour cette raison que nos yeux ne suffisent pas lorsque l'on discute avec maxime et qu'une oreille qui peut déceler les moindres variation de la voie est la bien venue pour prévenir une agression. Alors il ne nous reste qu'une oreille pour la vrai vie, aujourd'hui. C'est comme ça, maintenant.
Je pense qu'il le comprendrait s'il savait. Lui, il était ailleurs.
Il y a si longtemps maintenant.
Peut-être pas temps que ça après tout. Peut-être que pour lui le temps passe plus vite. Et peut-être que c'est pour ça qu'il est revenu. Peut-être qu'il a méditer un plan durant toutes ces années. Un plan pour chacun de nous. Ses parents ses amis, et les médecins n'y on vu que du feu car ils ne savent pas ce qu'il est.
Ce n'ai pas ce qu'il a toujours été, mais, maintenant c'est ce qu'il est au plus profond. Et il est revenu pour ça. Parce qu'il n'a pas oublié que je l'avais vu et que ça pouvait lui être fatale.
Fatale selon Maxime.

Il nous a tous un peu perdu dans sa tête.

Peut-être a-t-il vraiment changé. Peut-être s'est-il retrouvé un chemin dans sa tête.
Il a l'aire d'aller mieux en tout cas.
Il est plus grand que je ne l'avais imaginé au travers mes souvenirs. Et il se tient encore un peu courbé. De cette courbure qui rend les grands touchants.
Et alors qu'il me parlait, aujourd'hui, j'ai senti mon pouls battre plus fort, j'ai senti mes narine se gonfler pour mieux sentir les odeurs, j'ai senti ma pupille se contracter un peu pour mieux observer, et mes oreilles s'ouvrir au aguets, comme un animal traqué : j'ai senti un danger proche, sans savoir où et s' il allait approcher. Comme un animal aux aguets.

... Des restes d'il y a quelques années.